Syndicat National des Fabricants de sucre industrie sucrière SNFS sucreries OCM sugar 

 

L'expansion de la production de sucre au Brésil et son influence sur le marché mondial

 
Avec une multiplication par 5 en 25 ans à peine, le Brésil a développé sa production de sucre de façon fulgurante. Il devrait produire en 2013/14 environ 40 MT de sucre, soit 22% de la production mondiale, alors qu'il en produisait moins de 7,4 MT en 1990/91, à comparer à la production française de sucre de l'époque de 4,6 MT. Mais surtout, le Brésil est devenu le premier exportateur mondial de sucre, et de loin, contrôlant 50% des exportations mondiales et exerçant une influence considérable sur le marché mondial. 
 
L'essor de la production de sucre brésilienne est lié en partie à la politique en faveur de l'éthanol menée par le gouvernement depuis presque 40 ans. En effet, les usines transformant de la canne sont généralement flexibles : elles peuvent produire du sucre et de l'éthanol, dans des proportions fixées par la configuration des usines. Le développement de la production à une telle échelle a été rendue possible par la disponibilité de terres arables pour la culture de la canne. 
 
Les périodes de dévaluation du real ont permis en outre au Brésil de mettre sur le marché mondial du sucre à des prix en dollar extrêmement concurrentiels, lui permettant de prendre pied sur des marchés lointains, en Asie notamment. La grande taille des exploitations et des usines, de même que l'avance technologique qu'elles ont su déployer, en matière d'autoconsommation d'énergie notamment, explique aussi l'avantage de compétitivité dont a bénéficié le sucre brésilien. 
 
Dans les années 90, le sucre brésilien a tiré le cours mondial vers le bas. Un cours du sucre inférieur à 10 cents/lb était bien en-deçà des coûts de production du sucre dans tous les pays concurrents du Brésil.
 
 
Toutefois, depuis le milieu des années 2000, les coûts de production brésiliens ont augmenté, du fait de l'augmentation du prix des intrants agricoles (graines, produits phytosanitaires), du coût du foncier et du développement de la mécanisation de la récolte, pour la partie agricole, et du fait de la hausse des salaires et charges sociales, du prix des équipements industriels, et de la logistique, pour la partie industrielle. En outre, la monnaie brésilienne s'est renforcée. Le coût de production du sucre brésilien serait désormais supérieur à 20 cents/lb. Ceci a tendance à soutenir le prix mondial.
 
On peut distinguer les phases suivantes dans l'expansion du secteur sucre/alcool brésilien :  
 
- instauration d'un plan volontariste de développement de la production d'éthanol à partir de canne en 1975, juste après le premier choc pétrolier de 1973, pour réduire la dépendance du pays à l'égard des importations de pétrole. Des aides à l'investissement à la construction d'usines et des aides fiscales à l'achat de voitures fonctionnant à l'éthanol ont été accordées massivement. 
 
- redéploiement des usines vers la production de sucre à partir des années 1990, suite à une crise du marché de l'éthanol consécutif à une libéralisation de l'économie et à la baisse du prix du pétrole. Du fait de l'attractivité des prix mondiaux du sucre, de la désintégration de l'offre cubaine et de l'émergence de grandes raffineries "de destination" au Moyen-Orient, et profitant également d'un taux de change favorable, les exportations brésiliennes de sucre commencent à croître. Elles passent de 1,5 MT en 1990 à plus de 5 MT en 1996. La production de sucre progresse de 7,3 MT en 1990/91 à 13,6 MT en 1996/97, mais au détriment de celle d'éthanol. 
 
- accélération des exportations brésiliennes de sucre à partir de 1999, suite à la très forte dévaluation du real. Dans le sillage de la crise financière asiatique de 1997, le gouvernement est obligé de laisser flotter le real en 1999 et la monnaie perd 60% de sa valeur par rapport au dollar en quelques mois. Cette dévaluation du real permet au Brésil de conquérir de nouvelles parts du marché mondial du sucre, malgré le bas niveau des prix, niveau qu'il entretient d'ailleurs les années suivantes via des prix de vente en dollar défiant toute concurrence. La production de sucre passe à 19 MT en 2001/02 et les exportations à 15 MT.
 
- retour de l'éthanol, suite à l'augmentation du cours du pétrole, grâce au boom des véhicules flex fuel au Brésil à partir de 2003 (qui fonctionnent avec n'importe quel mélange essence-éthanol), soutenu par des aides fiscales et la croissance économique du pays. L'industrie brésilienne se lance dans un programme d'expansion de grande ampleur. Entre 2005 et 2010, environ 115 nouvelles usines sont mises en service (chiffre Région Centre Sud). Ces investissements à grande échelle sont financés par l'endettement et l'arrivée massive de capitaux étrangers. Le gouvernement encourage cette expansion via des prêts à taux bonifiés accordés par la BNDES (Banque Nationale du Développement Économique et Social). Entre 2001 et 2008, la production de canne, tirée par le prix mondial du sucre et le marché intérieur de l'éthanol, progresse de 14 % par an. Cet essor bénéficie également à la production de sucre et aux exportations qui passent en 2008/09 à 31 MT et 19,5 MT.
 
- arrêt brutal des investissements, du fait de la crise financière de 2008 qui porte un coup fatal aux entreprises les plus fragiles financièrement en asséchant l'accès au crédit. Plusieurs entreprises se retrouvent en faillite. Une grande partie des projets de construction de nouvelles usines est suspendue et une phase de restructuration-consolidation débute, les entreprises les plus fortes reprenant des entreprises et usines en difficulté. Le secteur est confronté en outre à une série de problèmes climatiques qui réduisent les rendements de la canne. Le développement du secteur connaît un coup d'arrêt. Une plus grande priorité donnée à la production de sucre, par rapport à celle d'éthanol, permet toutefois aux exportations de continuer de progresser et de bénéficier ainsi des cours mondiaux qui atteignent des records historiques. 
 
- aides massives du gouvernement au renouvellement des plantations de canne, à partir de 2012, pour en augmenter les rendements et la production. L'État a également pris des mesures pour stabiliser le marché intérieur de l'éthanol et garantir un approvisionnement régulier aux consommateurs. Mais sur le marché des carburants, l'éthanol pâtit d'un prix de l'essence subventionné que le gouvernement ne veut pas augmenter pour ne pas peser sur l'inflation. 
 
En 2013, les exportations brésiliennes de sucre approchent les 30 MT, contre 24,3 MT en 2012/13.