Bref rappel historique
Jusqu’en 2007, date à laquelle a été créée l’OCM unique, l’industrie sucrière évoluait dans le cadre d’une OCM définie au niveau communautaire qui lui était propre.
Au cours de son histoire, cette OCM, établie pour la première fois en 1968 et basée sur des quotas de production et un soutien des prix, a connu des inflexions importantes consécutives aux élargissements successifs de la CEE puis de l’UE, à la mise en conformité du régime sucre aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et à l’octroi de concessions commerciales par l’UE à un certain nombre de pays tiers.
Ainsi dès 1975, à la suite de l’adhésion du Royaume‐Uni, pays traditionnellement raffineur de sucre brut importé en provenance de ses anciennes colonies, la CEE a ouvert son marché au sucre brut des pays ACP. Cette ouverture a été poursuivie lors des adhésions du Portugal en 1986 puis de la Finlande en 1995, deux pays ayant également une tradition importatrice. D’autres concessions commerciales sont intervenues ultérieurement, en faveur des Balkans et des PMA, pour ne citer que les plus notables.
En 1995, en raison des règles relatives à la concurrence à l’exportation mises en place par l’accord de Marrakech de 1994 concluant le cycle d’Uruguay des négociations multilatérales de l’OMC, l’UE a été contrainte de plafonner ses exportations subventionnées.
La troisième modification majeure est intervenue à l’occasion de la réforme de l’OCM sucre en 2006.
La réforme de 2006
Plusieurs éléments ont conduit à cette réforme.
En premier lieu, le législateur a souhaité inclure la betterave dans le dispositif des aides directes de la PAC, dispositif visant à réduire le soutien par les prix et à lui substituer des aides découplées pour les agriculteurs. Le prix minimum garanti de la betterave et le prix de soutien du sucre, devenu simple prix de référence, ont ainsi été très fortement réduits.
En second lieu, à la suite d’une plainte déposée auprès de l’OMC par le Brésil, l’Australie et la Thaïlande, l’UE a dû abandonner, à partir de 2006/07, la possibilité d’exporter le sucre qu’elle produisait au-delà des quotas, pourtant exporté sans subvention. Les exportations de l’UE ont alors sensiblement chuté à partir de 2006/07.
Enfin, l’ouverture totale du marché de l’UE au sucre des PMA à partir de 2001 et la généralisation progressive de cette mesure aux pays ACP à partir de 2009/10 ont imposé un recalibrage des quotas de production. Un fonds de restructuration, financé par un prélèvement payé par les fabricants de sucre, a indemnisé les abandons de quotas de production et les fermetures de sucreries.
Les aides à l’exportation (restitutions), bien que neutres pour le budget communautaire car financées par une cotisation prélevée auprès des planteurs de betteraves et des fabricants de sucre, ont été supprimées en 2008/09, et avec elles les cotisations à la production qui les finançaient.
L’OCM sucre qui a émergé de la réforme de 2006 est restée en vigueur jusqu’en 2017, avec quelques aménagements apportés, à partir de 2014, par la réforme de la PAC de 2013. Elle a conservé le principe de quotas de production et d’un soutien des prix, mais l’UE est passée d’une position d’exportatrice nette de sucre à celle d’importatrice nette et l’industrie sucrière européenne a connu un mouvement de restructuration sans précédent. Cinq États‐Membres ont totalement abandonné la culture de la betterave et, dans cinq autres, elle a été réduite de plus de 50%. Dans l’UE, 79 sucreries ont été fermées entre 2005/06 et 2009/10, soit plus de 40% des usines. En France, 5 sucreries sur 30 ont été fermées et le nombre de sociétés sucrières est passé de 12 en 2005/06 à 7 en 2013/14 (5 groupes).
Finalement, la réforme n’a pas atteint pleinement son but initial de spécialisation, c.à.d. de réorientation vers les régions les plus productives de l’UE, le compromis politique dégagé à Bruxelles entre les institutions ayant favorisé des mesures comme l’octroi d’aides couplées permettant le maintien de la culture de la betterave dans certaines régions moins compétitives.
Les groupes sucriers français ont accompagné ces évolutions par d’importants investissements productifs et commerciaux, par de lourds efforts de rationalisation qui leur ont permis de consolider leurs structures et leurs positions et par d’importantes mesures d’accompagnement social.
La réforme de la PAC en 2013
L’UE a adopté en 2013 une nouvelle réforme de la PAC, entrée en vigueur au 1er janvier 2014.
Elle a prévu, mesure emblématique pour notre secteur, la fin des quotas au 30 septembre 2017, ainsi que la suppression du prix minimum de la betterave. En contrepartie, les fabricants de sucre ont retrouvé leur liberté d’exporter sans être contraints par un plafond OMC.
Totalement intégré dans la PAC depuis 2006, le sucre y conserve néanmoins toute sa spécificité, le règlement OCM unique ayant maintenu certaines dispositions spécifiques telles que celles relatives aux conditions d’achat des betteraves.