Syndicat National des Fabricants de sucre industrie sucrière SNFS sucreries OCM sugar 

Évolution du cours du sucre – facteurs d’influence

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(13/1/2017)

 

Entre début septembre 2015 et début octobre 2016, le cours mondial du sucre brut a crû de 122%, passant de 10,7 c/lb à 23,8 c/lb. Il s’est ensuite érodé rapidement, retombant à 18,7 c/lb le 13 décembre (-21%) pour ensuite rebondir à 20,7c/lb le 12 janvier 2017. Cette note passe en revue le poids relatif des facteurs d’influence qui agissent sur les cours du sucre.

 Les fondamentaux

 La flambée des cours du sucre en 2015/16 a pour première cause l’entrée du marché mondial dans une phase déficitaire, après cinq années d’excédents, et l’annonce du maintien du déficit en 2016/17. Selon l’ISO, le déficit du marché mondial a atteint 4,8 MT en 2015/16 et devrait passer à 6,2 MT en 2016/17 (MT tel quel). 

 

Le ratio stock/consommation atteindra fin 2016/17 son plus bas niveau depuis 2010/11, avec 43,6%.

 

Face à une consommation qui augmente d’environ 2% par an, soit une demande supplémentaire de 6,8 MT sur les deux campagnes 2015/16 et 2016/17, la production mondiale de sucre a perdu 4,3 MT et devrait regagner 2,2 Mt respectivement sur ces deux campagnes.

 

Le Brésil, l’Inde, l’UE, la Chine et la Thaïlande, soit les cinq premiers producteurs mondiaux, représentent environ les 2/3 de la production mondiale et sont les clés de l’évolution du bilan mondial de ces dernières années. Le phénomène climatique El Nino a apporté sécheresse et baisses de production en Inde, Chine et Thaïlande. Les prix relatifs du sucre et de l’éthanol au Brésil ont joué contre le sucre en 2015/16 puis en faveur de ce dernier en 2016/17. Une récolte particulièrement abondante en 2014/15 dans l’UE a engendré des correctifs de surfaces en 2015/16, en partie annulés en 2016/17.

 L’infléchissement de la courbe d’évolution des cours mondiaux du sucre à partir d’octobre 2016 est en partie lié à la perspective d’un retour à l’équilibre pour le marché mondial en 2017/18.

Selon l’ISO, rejoint par d’autres analystes, la campagne 2017/18 devrait en effet voir le marché mondial sortir de sa phase déficitaire. Si la consommation augmente à nouveau de 2%, elle atteindrait 177,8 MT. Pour résorber le déficit, la production mondiale devrait progresser de 9,1 MT. L’ISO considère que cette progression est possible, de la part de l’UE dont plusieurs pays ont annoncé de fortes augmentations de surfaces, de la part du Brésil également dont la priorité donnée au sucre devrait perdurer au cours des prochaines campagnes, de la part de l’Inde, de la Thaïlande et de la Chine enfin avec un retour à des conditions climatiques plus favorables.

 

Impact des fonds spéculatifs

Depuis le début septembre 2015, point d’inflexion à la hausse de la courbe des cours du sucre, les fonds spéculatifs sont devenus, pour un temps, le facteur déterminant principal de l’évolution des cours du sucre.

 À partir de cette date en effet, après plus d’un an en position nette vendeur, les fonds spéculatifs ont affiché une position nette acheteur qui n’a cessé de progresser, mis à part un creux début février 2016, pour atteindre un record historique le 28 août 2016 avec plus de 285 000 lots. Elle s’est réduite depuis, mais reste néanmoins, avec 145 000 lots le 3 janvier 2017, à un niveau élevé.

 

La situation déficitaire du marché mondial du sucre explique l’intérêt des fonds pour ce secteur, d’autant que, dans le même temps, peu de matières premières ou d’autres types d’actifs apparaissent attractifs.

 De même, le niveau bas des taux d’intérêt a rendu jusqu’à présent les marchés des matières premières, dont celui du sucre, plus intéressants pour les fonds. En revanche, une remontée des taux d’intérêt, qui semble à l’ordre du jour fin 2016, pourrait jouer en faveur d’autres actifs.

 

Impact du taux de change real / dollar

L’évolution du dollar et plus particulièrement du taux de change real / dollar influe également sensiblement, à très court terme comme à moyen terme, sur le cours du sucre.

D'une manière générale, pour les matières premières cotées en dollars, un affaiblissement du dollar tend à faire monter les cotations de ces matières premières car elles deviennent alors plus attractives pour les investisseurs. A l'inverse, un renforcement du dollar est normalement un facteur de baisse des cours. Le graphique ci-dessus présente l'évolution de l’indice Reuters des matières premières, et de l'index dollar, représentatif du taux de change du dollar par rapport à un panier de monnaies. On voit clairement une corrélation inverse entre les deux courbes. 

 

Le cours du sucre est encore plus corrélé au taux de change du real par rapport au dollar. Étant donné le poids du Brésil dans le commerce extérieur du sucre (50%), le coût de production du sucre brésilien ramené en dollar est un élément directeur pour le cours mondial et un real plus faible est baissier.

 De même, le taux du real joue sur l'incitation, pour l'industrie brésilienne, à produire du sucre plutôt que de l'éthanol, dès lors que le prix du sucre exporté est supérieur au prix intérieur de l'éthanol ramené en cents/lb. Un real plus faible abaisse le niveau du curseur.

 

Ainsi, le renforcement du real observé jusqu'à mi-2011, porté par le dynamisme de l'économie brésilienne, a joué un rôle essentiel dans la remontée du niveau moyen du cours mondial du sucre, conjointement à l'augmentation structurelle des coûts de production brésiliens. A l'inverse, l'affaiblissement du real de 57% entre juin 2011 et septembre 2015 a abaissé le plancher de résistance du cours du sucre dans un contexte d’excédent mondial.

 Entre septembre 2015 et début 2016, le real a continué de baisser mais l’activité des fonds a contrebalancé l’impact du real sur les cours du sucre.

 La reprise du real à partir de début 2016 a, cette fois-ci en phase avec les fonds, accéléré l’ascension des cours du sucre.

 

L’élection de Donald Trump à la Présidence des États-Unis a donné un bref coup d’accélérateur au dollar, au détriment notamment des monnaies des pays émergents tels le Brésil. Il pourrait en être de même d’un relèvement des taux d’intérêt de la FED qui devrait intervenir de façon imminente. Le réal pourrait alors s’affaiblir de nouveau et contribuer à une baisse des cours du sucre dans un contexte où l’on reviendrait à un équilibre entre production et consommation mondiale. À moins que la politique de contrôle des dépenses publiques du nouveau gouvernement brésilien n’apporte un support à la monnaie brésilienne.

 Impact du cours du pétrole

 Il existe une corrélation indirecte entre cours du sucre et cours du pétrole, mais qui ne constitue pas un lien direct et est liée à la corrélation entre cours du dollar et cours des matières premières. 

 À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le relèvement des prix du pétrole a permis aux pays pétroliers de disposer de réserves de change importantes leur permettant de financer leurs importations, ce qui a entraîné une augmentation de la demande des produits de base dont le sucre et de leurs prix.

 Dans les années 2000, la forte hausse des cours du pétrole a fait fleurir des programmes de développement de l’éthanol-carburant dans divers pays. Toutefois, le lien direct entre prix du pétrole et prix du sucre via l’éthanol qui se substituerait à l’essence, n’a pas été effectif. D’une part, rares sont les pays, hormis le Brésil et l’UE, qui ont des flexibilités entre la production de sucre et la production d’éthanol à même de créer des liens entre prix du pétrole et prix du sucre. D’autre part, le seul pays ayant une capacité importante de substitution de l’essence par l’éthanol, le Brésil, a isolé totalement le prix de l’essence du prix du pétrole. En effet, le prix de l’essence au Brésil a été pratiquement gelé par Petrobras entre 2005 et 2016 (hormis quelques hausses de prix intervenues).

La situation pourrait changer désormais, avec la décision annoncée le 15 octobre 2016 par Petrobras de faire varier le prix de l’essence en fonction du cours du pétrole. Une hausse de 8% est intervenue début décembre, après deux baisses en octobre et en novembre. Ainsi, si le cours du pétrole repartait à la hausse, suite aux derniers accords de l’OPEP, la production d’éthanol brésilien pourrait redevenir attractive par rapport à celle de sucre. 

 La libéralisation des prix de l’essence au Brésil ajoutera ainsi, en cas de hausse du pétrole, un nouveau facteur spécifique de soutien des cours.